Que faut-il pour pouvoir prétendre créer sa musique lorsqu’on est débutant ? Cette question tourne en boucle dans ma tête depuis que l’idée de lancer Composer comme au cinéma est née. Mon expérience au cours de ces dix dernières années m’a montré que la musique était avant tout une histoire d’écoute, de patience, et de pratique. Mais pas seulement, c’est aussi une question d’approche et c’est elle que je vais vous présenter ici.
Commencez par le beatmaking plutôt que par les musiques de film
J’ai choisi d’aborder le sujet avec une approche que je connaissais bien, celle du beatmaking. C’est par là que j’ai commencé et c’est de cette manière que je vais vous aider à démarrer.
Le beatmaking servira de sujet sous-jacent dont les objectifs seront les suivants :
- Développer votre culture musicale. Comme nous le verrons plus loin, le beatmaking ne concerne pas uniquement l’univers du hip-hop.
- Vous aider à créer rapidement votre musique, et ce même si vous n’y connaissez rien.
Comment tout a commencé pour moi !
J’ai découvert le beatmaking il y’a dix ans. Je venais d’entrer dans une école technique et à cette époque, faire de la musique n’était pas une ambition. Je me contentais d’en écouter (beaucoup, vraiment beaucoup) et cela me suffisait.
Une société secrète
Entre temps, voulant devenir poète urbain (rappeur pour les intimes 😉), je cherchais le moyen de me procurer des instrumentales uniques et inconnues du grand public. C’est par cette démarche que j’ai découvert l’existence d’une société secrète dont les membres se faisaient appeler « beatmaker ». Leur travail ? Créer des compositions sur mesure pour nous autres les poètes urbains.
Non content d’avoir découvert cette société, j’apprenais par la même occasion que ces beatmakers œuvraient dans l’ombre par l’intermédiaire de plateformes en lignes où leurs réalisations étaient disponibles. ET GRATUITEMENT EN PLUS !
La plateforme qui a tout changé
Virtual-beat* était l’une d’elles. Évidemment, le détective dans l’âme que j’étais a immédiatement voulu investiguer, et je n’ai pu m’empêcher de m’inscrire. Instrumentales inédites et existantes ce côtoyaient sous les catégories « FACE A et FACE B » dans ce repère de passionnés.
- Les FACES A étaient des compositions inédites de beatmakers destinés au libre usage.
- Les FACES B étaient les versions instrumentales de morceaux connus (STILL DRE de Dr Dre par exemple). Leur utilisation était autorisé mais interdite à la vente par quelques moyens que ce soit (à moins de payer les maisons de disques, les producteurs et les artistes).
*Le site Virtual-beat a beaucoup changé, les informations décrites ici ne concernent que la période durant laquelle j’étais actif dessus. Pour en savoir plus, je vous invite à aller le visiter et à prendre connaissance des nouveaux services.
Je suis rapidement devenu contributeur*, passant ainsi du statut de poète urbain à celui de beatmaker.
*plus aucune de mes compositions ne figure sur le site. Vous pouvez trouver les plus récentes sur ma chaîne YouTube en cliquant ici).
Mais avant d’intégrer entièrement la société secrète qu’était le beatmaking, je devais prendre du galon. Et pour cela, il n’existait qu’un seul moyen, tout apprendre sur les beats et la M.A.O.
Le beatmaking, quésaco ?
Le beatmaking comme son nom l’indique en anglais, c’est l’art de créer des beats (battement en français). Autrement dit, un beatmaker est un compositeur d’instrumentales dans le milieu du rap et plus largement du hip-hop. Aujourd’hui la discipline s’est démocratisée, suivant l’évolution de la M.A.O (Musique assistée par ordinateur) les beatmakers ont investi d’autres styles musicaux comme l’afrobeats pour ne citer qu’elle.
Le hip-hop et le Deejaying, naissance d’une nouvelle ère ?
En 2019, le site GQ magazine France publiait un article intitulé « Le rap français est (de loin) le genre musical le plus écouté en France en 2019 ».
L’article, se basait sur le classement du Syndicat National de l’Édition Phonographique (SNEP) paru au premier semestre de 2019.
Comment le rap s’est-il imposé dans l’industrie musicale française, alors qu’il a longtemps été l’objet de caricatures ? Pour comprendre le beatmaking, il faut comprendre le rap. Pour comprendre le rap, il faut s’intéresser à ses origines et à celle du hip-hop. Un mouvement culturel qui a révolutionné le monde de la musique urbaine afro-américaine.
Entre ségrégation et blocks parties, comment une invention a transformé la musique hip-hop
Remontons le temps, nous sommes aux États-Unis en plein cœur Bronx dans les années 70. La ségrégation fait rage et c’est dans cette atmosphère, en plein cœur des ghettos noirs américains que le hip-hop voit le jour. Son ADN est une combinaison des styles musicaux de l’époque, dont le Jazz, le Funk et la Soul.
Au milieu des blocks parties (fêtes de quartier animées par un DJ), un certain Clive Campbell à l’idée de faire tourner le même morceau sur deux tourne-disques séparés afin d’en rallonger le rythme. Campbell ne va pas s’arrêter là, il crée par la même occasion le « Cut ». Ce mouvement consiste à jouer une partie de chaque titre et de passer de l’un à l’autre durant un certain temps.
Cette invention prend de l’ampleur et traverse les frontières du Bronx vers New York. Certaines personnes très attentives comprennent alors que le « cut » associé aux techniques déjà connues de « l’échantillonnage » (sampling en anglais), pourraient faire changer les choses dans le hip-hop.
Rapper’s delight, le premier d’une longue série
Parmi eux, le groupe Sugarhill Gang dont le titre « rapper’s delight » qui contient un sample (échantillon) du titre Good times du groupe Chic, a permis au hip-hop de gagner en notoriété dans l’industrie musicale. Le morceau sera d’ailleurs un tube, devenant le premier 45 tours le plus vendus dans sa catégorie.
Pendant longtemps, la faculté première des beatmakers était de savoir faire des samples, de les faire tourner en boucle et d’y ajouter des percussions. Ceci, afin de permettre aux MC’s (masters of ceremony : désormais rappeur) de poser leur voix dessus.
L’histoire du beatmaking est étroitement lié à celle du hip-hop, mais aussi à celle du Jazz, du Funk et de la Soul. Ces trois genres sont eux-mêmes associés aux autres styles, dont le Ragtime, par exemple. S’intéresser au beatmaking, c’est porter un œil plus attentif à l’histoire de la musique.
Faut-il devenir beatmaker pour créer sa musique ?
Dans sa forme la plus simple, le beatmaking consiste à recycler des morceaux existants, de les adapter et d’ en créer de nouveau.
Prenez-le titre Shook Ones pt.2 du groupe Mobb Deep, c’est l’un des plus grands classiques du rap américain. Pour y arriver, il fallu :
- Pour la mélodie, découper un extrait de « Jessica » du compositeur de Jazz Herbie Hancock. Une fois le résultat souhaité obtenu, le passer en boucle.
- Utiliser un élément du titre de Quincy Jones, Kitty With the Bent Frame. L’ajouter aux refrains.
- Pour les percussions, reprendre celle du groupe de Jazz Daly – Wilson Big Band sur Dirty feet. Faire répéter le tout jusqu’à la fin.
- Accompagner l’instru avec les paroles de Shook ones pt.1.
Vous avez là les quatre ingrédients qui constituent l’un des meilleurs morceaux de l’histoire du hip-hop. Cela relève de la créativité !
Créer sa musique avec créativité
Créer sa musique, c’est avant tout une question de créativité. Pour en avoir, inutile d’étudier de longues années au conservatoire. De plus, pas besoin d’être né avec. Elle se développe.
Dans son best-seller « la magie de voir grand », l’auteur et conférencier David J.Schwarz propose, pour la stimuler, d’encourager les autres à parler. En vous intéressant (sincèrement) à en savoir plus sur leur expérience et leur point de vue sur un sujet, vous apprendrez à vous créer une pensée originale.
Ce conseil vaut aussi dans notre cas. La démarche, lorsqu’on sample un morceau, revient à demander au compositeur « hey, comment crées -tu ta musique ? ». En cherchant à réutiliser une partie de son travail, vous vous imprégnez de sa créativité et édifiez au fur et à mesure la vôtre.
C’est pour cette raison que le beatmaking est, la meilleure porte d’entrée quand on veut créer sa musique. Devez-vous pour autant devenir beatmaker ? Absolument pas, c’est avant tout une approche destinée à appréhender plus facilement la composition à l’image.
Quand le beatmaking part à la conquête du monde
Aujourd’hui, les beatmakers ne se contentent plus de sampler tout ce qui leur passe sous la main. Ils créent des œuvres originales dans tous les genres musicaux. Par exemple, DKR du rappeur Booba est un savant mélange entre hip-hop et sonorité africaine (la Kora, utilisée pour la mélodie principale, est un instrument traditionnel d’origine malienne et symbole de la musique d’Afrique de l’ouest).
Le beatmaking jusque dans le cinéma
Dans un autre registre, et pour en revenir à la musique de film, on peut également citer Pharell Williams. Auteur-compositeur de nombreux tubes (Happy, entre autres), il a participé à la réalisation de la bande originale de « The Amazing Spiderman 2 » au côté de Hans Zimmer, Mike Einziger, Junkie XL, Johnny Marr. Plus récemment, Pharell Williams et Hans Zimmer ont collaboré sur la B.O. du film « les figures de l’ombre ».
En 2018, à l’occasion de la sortie au cinéma de Black Panther, on découvre la bande originale composée par Ludwig Göransson. Le suédois, oscarisé pour son travail, a utilisé une rythmique caractéristique de la Trap (courant musical issu entre autres du hip-hop) sur le titre « Killmonger ».
À vous de créer votre musique !
Créer sa musique grâce au beatmaking est vraiment captivant et, si ce n’est pas déjà fait, je vous invite vivement à vous lancer.
Cependant, je tiens à vous mettre en garde. Il est facile de se décourager et d’abandonner, car le beatmaking est un domaine qui requiert de la patience et qui prend du temps à assimiler. C’est un art qui donne l’impression de ne pas avancer, de tourner en rond, mais avec du recul, on peut remarquer les progrès.
Le monde du beatmaking est abordable, avec la volonté d’apprendre, le goût du partage et le désir de côtoyer d’autres artistes, vous affronterez les obstacles plus facilement. Les outils dont vous aurez besoin sont avant tout, la curiosité, la discipline et la motivation. Armez-vous-en et créez votre musique !
EN RÉSUMÉ : créer sa musique grâce qu beatmaking
- Si le Beatmaking est à l’origine destiné au hip-hop, il a toujours été indissociable des autres courants musicaux (le jazz, le Funk et la Soul dans un premier temps). Aujourd’hui, il occupe une place importante dans plusieurs d’entre eux, la musique à l’image ne fait pas exception.
- Avec le beatmaking, il est possible de créer sa musique rapidement, et ce même en étant débutant.
- Faire du beatmaking, c’est avant tout savoir créer du neuf en recyclant de l’ancien.
- Apprendre à sampler, c’est s’imprégner de la créativité des autres compositeurs et de créer au fur et à mesure la sienne.
- Avec le beatmaking, développer sa culture musicale se fait de manière naturelle. Shook ones pt.2 de Mobb Deep est un excellent exemple.
Je m’arrête là pour cet article, je pense avoir abordé les points importants concernant le beatmaking. J’espère vous avoir donné envie de vous lancer.
En cas de questions, n’hésitez pas à m’en faire part dans les commentaires 😉. Si vous composez déjà (quelque soit le style), dites moi comment vous créez votre musique !
Je vais en parler avec mes fils, ils passent tout leur temps libre à écrire des textes et à les rapper sur des instrus qui parfois me fatiguent, je dois bien le reconnaître. Merci pour ton éclairage.
Je comprends que cela puisse te fatiguer. C’est un style de musique qui est victime de sa réputation, mais quand on creuse un peut, on découvre un univers riche et fascinant.😊
Voici un sujet qui va parler à ma fille de 14 ans qui depuis 1 mois crée des musiques de ce type. Merci pour cet article très intéressant, complet et instructif 😉
Merci Magali. J’espère que cet article l’aidera.🙂
Merci pour cette plongée dans un univers, celui du beat, que je pensais coincé dans les années 80′ dans lesquelles j’ai grandi. Ton article est très instructif ! on sent vraiment qu’il y a de la recherche, ou de la passion ou des deux derrière !!
Merci Nico. Oui, il y’a des deux, surtout de la passion.😊
Article super intéressant ! Chez moi, on pratique quasiment tous d’un instrument, on est tous très intéressés par la musique, sa composition, et aussi passionnés de cinéma, donc, ton article va être partagé !
Merci Anne-Angelique. Ça doit être génial d’être entouré de musicien. Merci pour le partage !🙂
Très bon article complet. je ne connaissais pas le concept du Beatmaker sous cette forme.
Moi qui suis un passionné de Jazz, Soul et R&B UK/US sixties j’ai bien aimé le travail de Gil Peterson fin 80 et début 90 avec la création du label Acid Jazz.
Il a retravaillé des classiques Jazz, Soul, Funk et Brésilien en leur donnant une touche plus groovy.
Merci pour cet article, j’ai appris quelque chose.
Merci pour ton commentaire Luc. Je ne connaissais pas Gil Peterson et j’ai hâte d’aller le découvrir.😉